samedi 7 janvier 2012

LES BENA NSAPO




Les Bena Nsapo


Les Bena Nsapo, transformés par les belges en Nsapo-Nsapo, n'est pas une tribu isolée ou perdue parmi les Lulua. C'est un groupe des Ben'Eki, une de grandes composantes de l'ethnie Songye, qui a longtemps vécu à Luluabourg, où il fut emmené et installé en 1888 par le belge Le Marinel Paul (1), loin de son milieu d'origine, le territoire de Kabinda, dans l'ancien District de Kabinda, au Kasaï.
En effet,durant le règne du chef Songye Lumpungu Kaumbu et de son lieutenant Mpania Mutombo sur une partie du Kasaï , un groupe de Ben'Eki, sous la conduite du chef Muana Mboo,refusa de se soumettre à leur domination et préféra s'exiler. C'est ainsi qu'ils(Bena Nsapo) vont créer des villages nommés Nsapo-Nsapo autour de Luluabourg, dans lesquels ils vont vivre en conformité avec la culture Songye, malgré la distance qui les séparaient de leur terre d'origine.
Un peuple foncièrement spirituel
Ancien et émouvant fétiche Nsapo, actuellement en vente sur le net .
Pour mieux s'intégrer à Luluabourg, les Bena Nsapo vont d'abord maîtriser la langue du milieu(Tshiluba) tout en continuant à communiquer entre-eux et dans leurs villages en Kisongye. Issus des Ben'Eki, c'est-à-dire adeptes du "Bukishi",ils sont garants du pouvoir spirituel Songye et demeurent foncièrement spirituels. L'initiation au "Bukishi" s'effectue d'une façon collective, et celui ou celle qui n'est pas initié est qualifié de "kapungulu".
Partout où ils se sont trouvés, ils ont continué à pratiquer des rituels culturels et magiques particuliers aux Basongye ou BAYEMBI (nom issu de l'empire Luba), lesquels figurent parmi les plus redoutés et les plus mystérieux de la RDC. L'Armée Rwandaise qui avait cherché à s'emparer de la ville de Kabinda pour aller investir la Miba à Mbuji-Mayi sous le règne de Laurent Kabila en garde de mauvais souvenirs.
Signe révélateur,plusieurs Bena Nsapo portent les noms de "NKISHI", qui veut dire fétiche ou statue magique, et de "TSHIKUDI", qui signifie esprit.
A Luluabourg, les Bena Nsapo ont contracté de nombreux mariages inter-ethniques avec les Lulua, les Baluba et les Tetela. Beaucoup de militaires ayant suivi leurs formation militaires à Luluabourg(Kananga), de l'Ecole Centrale à l'EFO ont également épousé des femmes d'origine Bena Nsapu. Par ailleurs, les mêmes femmes attiraient beaucoup d'européens. Raisons pour laquelle on retrouve de nombreux métis parmi ce groupe ethnique.
Voici quelques noms génériques des Bena Nsapo: Nsapu, Tshibambe, Nkishi, Lukunku, Musumba, Tshikudi, Konyi, Ndjibu, Nkima, Lubuele, etc, etc. Si un de vos amis ou une de vos amies porte un de ces noms, à plus de 80% il ou elle serait originaire de ce groupe.
Suite aux mesures politiques ayant amené chaque tribu à rentrer chez-elle après l'indépendance du pays, les Bena Nsapo vont regagner Kabinda en 1960, après avoir vécu pendant presque un siècle à Luluabourg (Kananga). Mais un de leurs leaders, le chef Louis Tshabambe fera partie du gouvernement du Mulopwe Albert Kalonji à Bakwanga durant l'Etat autonome du Sud-Kasaï, avant de regagner définitivement Kabinda.
Rappelons qu'il subsiste encore un groupe de Bena Nsapo à Kananga.
Du "Bukishi" à l'évangile
L'évangélisation n'a épargné aucun peuple. Les Songye en général n'en font pas exception.C'est ainsi que les pouvoirs spirituels de leurs ancêtres ne sont plus pratiqués que par quelques traditionalistes , gardiens du pouvoir mystique issu d'Egypte. Les "bana buwa" sont devenus des révérends Pasteurs à l'instar du Bishop Kankienza Muana Mboo, des Pasteurs Tshibambe, Kapelupa, etc, etc.

Une anecdote autour du nom Nsapu.
Nous avons relevé que le nom Nsapu est un des noms génériques de Bena Nsapo. Voici une anecdote liée à ce nom. En effet, durant le règne de Mobutu, deux élèves portant ce nom firent partie d'une même promotion à l'EFO. L'un s'appelait Kasongo Nsapu. L'autre Nsapu Kasongo. Après leur admission à l'EFO, ils finirent par dénicher leurs cousins au village Nsapo-Nsapo. Compte tenu du régime alimentaire plus ou moins déficient à l'EFO, ils prirent l'habitude de s'alimenter durant le week-end au village Nsapo Nsapo avant de rentrer à l'EFO. Mais il se fit que souvent, l'un de deux manquait à l'appel du lundi matin. Ce ne qui ne passa pas inaperçu aux yeux du responsable de la classe. Il finit par remarquer que lorsque Kasongo Nsapu était présent le lundi , Nsapu K
asongo s'absentait, et vice versa. Il le faisait avec un sens d' humour militaire à la Danga qui emballait toute la promotion..

UN PEUPLE GENIE DANS LA TECHNIQUE DE FORGE.





Photo de gauche:Une hache appelée Kilonda d'origine Nsapo (Songye). Toutes les soudures sont faites à froid. Une technique difficile à maîtriser, réalisée par des forgerons (SENDWE) dans une fonderie traditionnelle.



BALUBA MUDIANO.

Après s'être installée à Luluabourg, une bonne partie de Bena Nsapo s'était rendue au Katanga,comme les autres Kasaïens en quête d'emplois et d'aventures; une autre prit très tôt (vers 1888) la direction de Boma, de Léopoldville et de Brazzaville. Ngolo Mingi Konyi ka Nsapu, ses frères et soeurs; le prof Malu wa Kalenga Felix, et son frère Konyi, l'ancien Secrétaire d'Etat sous Mobutu, tous issus de ce groupe....sont nés à Boma.
Lorsque Jean Bokelo chante "Baluba mudiano", il fait allusion à l'accueil de la population d'origine Kasaïenne au port de Léopoldville, particulièrement les basongye d'origine Bena Nsapo qui effectuaient des navettes entre leurs anciens villages de Luluabourg et la ville de Léopoldville. Ceci démontre que leur nombre fut significatif au début de Léopoldville,en dépit du fait que leur communauté (Songye) soit devenue actuellement une minorité parmi les Kasaïens vivant à Kinshasa.
LES INITIATEURS DE MUJIKA (MUZIKI) A LEOPOLDVILLE

Une fois à Léopoldville, en dehors de leurs villages, les Bena Nsapo vont éprouver le souci de conserver leur identité culturelle . Mais l'environnement ne leur permettait plus de pratiquer d'une façon ostentatoire et collective leurs rituels. C'est ainsi que les femmes organisèrent des visites et des rencontres intercommunales d'entraide baptisées "MUJIKA", que les kinois ont déformé en MUZIKI.(2) Le but caché des mujika consistait à perpétuer l'initiation des jeunes femmes à la vie culturelle songye. Mais le reste de la population kinoise n'en a hérité que son aspect de façade ou festif, caractérisé par des réceptions arrosées.
La Signification de MUJIKA: En kisongye le terme mujika signifie copine , celle avec qui je suis liee'. Il diffère du terme mudiana qui veut dire ami ou copain literalement celui avec que je mange . L'accueil MUDIANOO dérive du terme mudiana.Le synonyme de mudiana est mulunda. Dans un sens plus large le vocable Bulunda peut aussi signifier le mariage en kisongye. Mais le BUJIKA est une amitié exclusive entre-femmes. Aucun homme n'y était admis. On y traitait des sujets initiatiques sous-couvert des rencontres d'entraide. Chaque femme devait apporter ce qu'elle avait de mieux chez-elle à l'hôte du jour. Ainsi, les visites se faisaient à tour de rôle entre les femmes habitant les communes de Barumbu, Kinshasa, et Kintambo.
C'est dans ces zones où on retrouve encore une forte concentration des vielles familles basongye d'origine Bena Nsapu ayant engendré des politiciens aux sportifs comme: Tshitenge dit Tshitenji, ancien interprète de Mobutu , auteur d'une étude sur les Songye-Luba, feu Dr Makombo Mutamba,Nyongoni Masoswa, ancien président de FC Matete, Mukonkole Jean-Pierre, ancien Secrétaire général de la CONACO et ancien Vice-président d'Imana, Nsapu Kalimasi (sportif et promoteur de la musique), Barnabé Malangu(Cycliste), Ngolo Mingi (Cycliste), fils de Ngolo Mingi Konyi Ka Nsapu, Muntubile Santos (Joueur ), Kalonda Marcelo (joueur), sa tante Ntundu (propriétaire d'un nganda *ya mitu ya ntaba* à Matonge), Tshibambe (l'inamovible administrateur du territoire de Luberezi au Sud Kivu à l'époque de Mobutu, son jeune frère Juif Mubiayi, le journaliste Muana Mboo Kankienza, sans oublier l'ambassadeur Tshibambe (ancien chef du protocle de Mobutu) les journalistes Benoît Lukunku Nsampu et Tshilonda Tshia Mulamba, qui ont grandi au Katanga, tous d'origine Bena Nsapo, etc, etc.
Signalons enfin que l'enquête menée durant la prépartion de cet article ne nous a pas permis de déterminer si le père de la maman Lumande à Kintambo, qui selon cette dernière fit la charpente de la cathédrale de Kintambo,les familles métisses Mandefu et Fwamba(pilote de rallye), et les parents de Muembo Champro à Matete sont également d'origine Bena Nsapo ou d'autres groupes songye.
une chanson songye




Bibliographie:
-(1) Dr Kabamba Nkamany 1997:Pouvoir et Néologie Tribales au Zaïre.
-(2) Prof Yoko Yakembe, allocution prononcée au cours d'une soirée culturelle au centre "moto na moto abongisa" en 1980 à Bandalungwa,rapportée par le journaliste Nsimba Mumbamuna dans le quotidien Salongo.
-Le Marinel,Paul: de Nyangoué à Luluabourg (1888). Le mouvement géographique.
- Dr.Kabamba Nkamany: Art et Culture Songye.